Monastère de Sainte-Engrâce du Port
Sainte-Engrâce en Soule / Urdatx / Santa Grazi / S. Gracia
(Sainte-Engrace, Pyrénées-Atlantiques)
La commune de Sainte-Engrâce (Urdatx) est située sur le territoire de la Soule (Zuberoa), au Pays basque français, sur la route des Pyrénées menant vers la Navarre. Le village se développa autour de l'église de Sainte-Engrâce, dédiée à cette martyre vénérée à Saragosse. Selon la légende, des voleurs auraient dérobé un bras de la sainte et l'auraient caché à cet endroit, près d'une église, où il fut découvert par un taureau. Après des tentatives infructueuses pour déplacer la relique, celle-ci fut déposée dans l'église, où elle serait vénérée.
L'histoire de ce monastère est peu connue en raison du manque de documentation. L'église prit le nom de Sainte-Engrâce du Port et fut dirigée par une communauté de chanoines réguliers qui géraient également un hôpital pour les pèlerins. Il convient de mentionner qu'en 1085, le roi d'Aragon, Sanche Ier (1043-1094), fit don de cette maison au monastère bénédictin de San Salvador de Leyre (Navarre), cession confirmée par le pape Pascal II en 1100. Cependant, on soupçonne qu'il pourrait s'agir d'un faux fabriqué par Leyre (bénédictin) afin d'influencer Sainte-Engrâce (augustinien).
Par la suite, cette dernière conserva son indépendance, malgré l'obligation de verser une rente annuelle à Leyre. Les conflits entre les deux maisons furent fréquents jusqu'au XVIIIe siècle. Au cours du XIVe siècle, la communauté des chanoines réguliers devint une collégiale séculière. À cette époque, Sainte-Engrâce souffrit des instabilités sociales de la région et, en 1569, une attaque des calvinistes entraîna la perte du mobilier, des archives et surtout du bras de Sainte-Engrâce, ce qui affecta le flux des pèlerins.
Elle réussit à se remettre de ce choc et obtint une autre relique de la sainte titulaire, tandis que les chanoines furent remplacés par des clercs. En 1724, la collégiale fut supprimée et l'église rattachée au séminaire d'Oloron. Lors de la Révolution, l'église perdit son patrimoine mobilier, notamment son orfèvrerie, ainsi que les biens qui lui appartenaient. Par la suite, l'église fut protégée au titre des monuments historiques. Cet édifice roman, restauré aux XVIIIe et XIXe siècles, comporte trois nefs et trois absides, sans transept. La remarquable série de chapiteaux qui la décorent ainsi que le portail restauré sont dignes de mention.
Illustration de l'Epítome, o compendio de las antiguedades del subterraneo... (1745)
Biblioteca Nacional de España
Selon la tradition, Engrâce était venue de Braga, bien que d'autres sources la considèrent comme étant originaire de Saragosse. En l'an 303, lors d'un voyage vers la Gaule, où elle devait épouser le marquis de Roussillon, en passant par Saragosse, alors en pleine persécution contre les chrétiens, elle et son entourage de dix-huit compagnons affrontèrent le gouverneur de la ville, Dacien, pour défendre leurs croyances. Engrâce fut martyrisée et mourut en prison, tandis que ses compagnons furent décapités. Pour éviter que les restes des martyrs ne soient vénérés, leurs corps furent brûlés, ainsi que ceux des criminels sortis de prison. Cependant, miraculeusement, les cendres se séparèrent, formant une masse blanche (Santas Masas), distincte de celle des non-chrétiens. Les restes d'Engrâce furent ensevelis dans une nécropole hors des murs, et le lieu de sépulture devint bientôt un centre de dévotion.
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