Détail de la Veüe de l'Abbaye Royalle de Saincte Croix de Poictiers
Louis Boudan, 1699
Bibliothèque nationale de France
Le monastère de Sainte-Croix de Poitiers fut fondé par la reine Radegonde (v. 520‑587), épouse de Clotaire Ier (497‑561), dont elle se sépara pour se consacrer à la vie religieuse. Elle s’établit à Poitiers entre 552 et 557 et y fonda un monastère féminin dédié à Notre-Dame. Clotaire lui-même soutint la construction et en assura la dotation.
Radegonde se retire au monastère
Enluminure de la Vie de sainte Radegonde (1101)
Poitiers / Médiathèque François-Mitterrand
La première abbesse fut Agnès, tandis que Radegonde vécut comme simple moniale jusqu’à sa mort. Dès 561 au moins, le monastère suivait la règle de Saint Césaire. Vers 579, une relique de la Vraie Croix fut rapportée d’Orient par la fondatrice ; à partir de ce moment, le monastère prit le nom de Sainte-Croix. L’église abbatiale, où l’on vénérait la relique, fut construite à cette époque, ainsi qu’un édifice funéraire dédié à sainte Marie, à l’origine de l’actuelle église Sainte-Radegonde. On mentionne également une construction identifiée comme la cellule de la sainte, aujourd’hui reconstruite. Aucun document n’est conservé pour le VIIe siècle, probablement en raison de l’instabilité régionale.
Vers 817, la communauté fut réformée selon les directives de Louis le Pieux, qui promut la bénédictinisation des monastères de l’Empire, notamment par Benoît d’Aniane. À cette époque, Sainte-Croix adopta la règle de saint Benoît. Une communauté cléricale se constitua autour de l’église Sainte-Radegonde pour assurer le service religieux auprès des moniales. En 865, Poitiers fut attaquée par les Normands, ce qui entraîna d’importants dégâts au monastère et à Sainte-Radegonde. En 878, Louis II le Bègue plaça l’établissement sous sa protection et confirma ses biens. Pendant la guerre de Cent Ans, au XIVe siècle, l’abbaye subit de lourds dommages et vit ses revenus baisser. À la fin du XVe siècle, des tensions internes aggravèrent la situation, jusqu’à une occupation violente du monastère.
Miracle de Sainte Radegonde
Enluminure de la Vie de sainte Radegondea (1101)
Poitiers / Médiathèque François-Mitterrand
Tombeau de Radegonde, fondatrice de Sainte-Croix
Bien que Sainte-Croix n’ait jamais dépendu de Fontevraud (Maine-et-Loire), certaines abbesses furent issues de cette abbaye. Au XVIe siècle, des moniales fontevristes réformèrent la vie commune et rétablirent la clôture, presque disparue, tout en remettant en ordre la gestion économique. Lors des guerres de Religion, le monastère fut utilisé comme poste de défense et subit de lourdes destructions (1569). Au début du XVIIe siècle, des travaux de restauration furent entrepris et la vie monastique reprit son cours.
Après la Révolution, l’abbaye fut supprimée. En 1789, elle était encore active grâce au nombre de religieuses, mais fut vendue en 1792 et la communauté dispersée. Celle-ci fut ensuite rétablie, et une partie des bâtiments fut récupérée. En 1932, le statut abbatial fut restauré, et en 1965, la communauté se transféra à La Cossonière, au sud de Poitiers (Saint-Benoît), où elle demeure toujours active. À Poitiers, sur le site de l’ancien monastère, on conserve quelques vestiges de l’église mérovingienne, remaniés au fil des siècles et finalement détruits. La chapelle reconstruite à l’emplacement de la cellule de sainte Radegonde (Pas-de-Dieu) est toujours visible et abrite aujourd’hui le musée Sainte-Croix. Non loin de là se trouve l’église Sainte-Radegonde, où repose la sainte.
Reliquaire de la Vraie Croix portée par Radegonde,
qui est conservé dans le monastère
Image de Wikimedia
Mosaïque du monastère primitif
Image tirée de Les fouilles de l'église Sainte-Croix a Poitiers (1963)
Fouilles dans l'ancien monastère
Image tirée de Les fouilles de l'église Sainte-Croix a Poitiers (1963)
Vestiges du monastère (Google maps)
Plan de l'ancien monastère
Image tirée de Les fouilles de l'église Sainte-Croix a Poitiers (1963)
Le monastère actuel de La Cossonière
- BARBIER DE MONTAULT, X. (1882). Le trésor de l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers avant la Révolution. Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest. Piotiers: Druinaud
- BEAUNIER, Dom (1910). Abbayes et prieurés de l'ancienne France. Vol. 3: Auch, Bordeaux. Abbaye de Ligugé
- CROISET, Jean (1723). Les vies des saints pour tous les jours de l’année. Vol. 2. Lyon: Boudet
- EYGUN, François (1963). Les fouilles de l'église Sainte-Croix a Poitiers. Actes du 87e Congrès National des Sociétés Savantes. París: Imp. Nationale
- GOTTIS, Augustine (1823). L'abbaye de Sainte-Croix, ou Radegonde, reine de France, vol. 1-5. París: Lecointe et Durey
- GUÉRIN, Paul (1888). Les Petits Bollandistes. Vies des saints. Vol. 9. París: Bloud et Barral
- LABANDE-MAILFERT, Yvonne; i altres (1986). Histoire de l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers. Poitiers: Société des Antiquaires de l’Ouest
- PICTAVE, Jehan (1909). Poitiers. Ses monuments, son histoire. Poitiers: Courrier
- SAINT-MAUR, Congregació de (1720). Gallia Christiana in provincias ecclesiasticas distributa. Vol. 2. París: Typographia Regia
Le monastère de Sainte-Croix de Poitiers, aujourd’hui disparu, se trouvait au centre de la ville, à proximité de la cathédrale. La communauté actuelle vit à La Cossonière, dans la commune de Saint-Benoît, au sud de Poitiers